La Séparation

La problématique de la séparation occupe une place importante dans la clinique d'aujourd'hui.

  • C'est la séparation des couples, devenue très fréquente.
  • C'est la séparation des enfants de l'un ou l'autre de leur parent.
  • C'est la période de la vie où les enfants quittent le milieu familial pour s'engager dans leur vie d'adulte, devenir indépendants.
  • C'est la problématique du deuil...

Toute séparation, quelle qu'elle soit, ramène à la nature des premiers liens. Ses aléas nous révèlent les modes de rencontres antérieures : échanges et communications établis entre le nourrisson et son environnement ; relation d'accordage mutuel ou pas, dans ce fonctionnement en écho.

Chez certains individus, la séparation est possible, même si elle est douloureuse. Elle peut se métaboliser, se "digérer".

Chez d'autres sujets, cela réactive de tels déchirements originaires, un tel désastre, que son élaboration en est inabordable.

La possibilité de séparation a pour prémices "la capacité à être seul en présence de l'objet" (notion du psychanalyste Winnicott).

Imaginons la scène d'un enfant jouant à côté de sa mère. Dans cette situation, chacun est en présence de l'autre mais en même temps occupé dans son propre monde. L'enfant est en train de jouer. La mère de son côté lit ou est occupée à autre chose. L'un et l'autre se lâchent plus ou moins, gardent plus ou moins une attention à l'égard de l'autre, ensemble tout en étant séparés.

Il est des cas où l'enfant ne peut pas du tout jouer tout seul et interpelle sa mère sans arrêt, veut qu'elle participe.

Il est aussi des cas où la mère ne peut pas se détacher de son enfant, ne le quitte pas des yeux. Elle s'immisce dans le jeu, et cette qualité de présence est intrusive.

Ne pas pouvoir perdre l'autre de vue ou de pensée, ne pas pouvoir investir une activité indépendante, sont le signe d'une angoisse relationnelle. C'est être toujours sur le qui vive, dans l'intranquillité.

Par ailleurs, une mère qui serait totalement absorbée ailleurs, incapable de la moindre attention flottante à son enfant, ne serait pas davantage sécurisante, car trop absente, comme "morte". C'est dans un mouvement de va et vient entre son jeu et la perception de sa mère que l'enfant construit progressivement son indépendance, son aptitude à la solitude. Ce type d'expérience princeps de séparation est au fondement de toutes les séparations ultérieures.

Au début de la vie du nourrisson, la mère ou son substitut n'existe que par sa présence en chair et en os. Il ne peut pas garder en mémoire. Ce n'est que progressivement qu'une représentation psychique de cet autre est possible chez l'enfant, en lien avec l'acquisition du langage, non verbal puis verbal. Le petit enfant peut mieux supporter la séparation quand il a construit une représentation interne de l'autre absent dans la réalité perceptive. Il a intériorisé l'autre et peut réactiver cette représentation en son absence, ce qui rend la séparation plus tolérable.

La capacité de séparation nécessite qu'aux premiers temps la mère ait pu partager le vécu interne de son bébé, dans une "peau commune", ait pu faire corps avec lui sur le plan psychique.

Certains enfants ne peuvent pas être consolés en l'absence de leur mère. Certains adultes aussi restent inconsolables. Ils n'ont pas pu construire une base d'attachement sécure. C'est ainsi que si certains enfants peuvent continuer à vivre et à jouer en l'absence de la mère, d'autres ne resteront que dans l'attente de son retour, sans autre investissement possible, comme gelés dans cette attente.

La qualité des premières relations peut être plus ou moins bonne en fonction d'une multitude d'aléas dans la vie (cf. certains enfants prématurés...) et de constitution personnelle. Tous les enfants ne répondront pas de la même façon à un même environnement.

La séparation est toujours susceptible d'être liée à des angoisses de nature et d'intensité variables.

Il est nécessaire de consulter quand la douleur est excessive et pathologique.